Jean Zay est un homme politique français né à
Orléans (
Loiret) en
1904 et mort assassiné par des
miliciens à
Molles (Allier) en
1944. Il a été ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts de 1936 à 1939.
Biographie
Enfance et études
Jean Zay est né à
Orléans le
6 août 1904 d'un père
Juif alsacien dont les parents avaient choisi la France en 1871, directeur du journal radical-socialiste
Le Progrès du Loiret, et d'une mère
protestante de la
Beauce, institutrice. Puis il poursuit ses études au
Lycée Pothier où il rencontre
René Berthelot, futur directeur du Conservatoire National de musique d'Orléans, qui deviendra son meilleur ami. Il y fonde un journal lycéen, et obtient un prix de composition de littérature française au
Concours général de 1922.
Débuts professionnels
Pour payer ses études de droit, Jean Zay devient clerc d'avoué et journaliste occasionnel. En avril
1925, il fonde avec quelques amis (
René Berthelot,
Roger Secrétain) une revue littéraire orléanaise,
Le Grenier qui, après 18 numéros, deviendra
Le Mail. Devenu avocat en
1928, il s'inscrit au
Barreau d'Orléans dont il devient bientôt l'un des plus brillants orateurs.
Carrière politique
Jean Zay s'engage très tôt en politique. Dès ses études secondaires, il adhère aux Jeunesses laïques et républicaines, puis, à sa majorité (21 ans) il s'inscrit au Parti radical. Il fréquente les cercles républicains, devient membre de la Ligue des Droits de l'Homme, responsable de la Ligue de l'enseignement et se fait initier à la
Loge maçonnique Étienne Dolet en
1926. En
1932, à 27 ans, il est élu député du Loiret (radical-socialiste). Il est alors le plus jeune député de France. En 1936,
Albert Sarraut le nomme
sous-secrétaire d'État à la présidence du conseil. Quelques mois plus tard, il est réélu et devient, à 32 ans, le
4 1936 en France#juin, membre du gouvernement du Front populaire comme ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts. Il le reste sous les divers gouvernements qui se succèdent jusqu'à sa démission du
2 septembre 1939 pour rejoindre l'armée combattante. Il estime qu'il doit accompagner l'effort de sa classe d'âge. D'autre part, en mars
1937, il est élu conseiller général du Canton d'Orléans-Nord-Est.
La guerre
Malgré son état de santé déficient, il demande à être intégré dans une unité combattante. Son courage et son dévouement, au sein de la IV
e armée, sont attestés par ses chefs militaires : « volontaire pour les missions les plus périlleuses et les plus délicates ».
Le 19 1940 en France#juin, répondant à une convocation, il quitte son régiment pour assister à une session parlementaire, à Bordeaux, où est débattue la question d'un transfert du gouvernement en Afrique du Nord. Avec le président Albert Lebrun et plusieurs ministres doivent embarquer à bord du Massilia le même jour, en fin d'après-midi, les présidents des deux chambres et les parlementaires qui veulent partir ; Camille Chautemps, vice-président du Conseil, rejoint l'Afrique avec une délégation de pouvoir. Finalement, Lebrun et les ministres embarquent à Port-Vendres, cependant que 27 parlementaires partent à bord du Massilia le 21 juin, notamment César Campinchi, Édouard Daladier, André Le Troquer, Georges Mandel et Pierre Mendès France ; Jean Zay a emmené sa femme, Madeleine, enceinte de leur second enfant, afin qu'elle ne soit pas prise comme otage. Arrivés à Casablanca, au Maroc, les passagers sont arrêtés deux mois après, et quatre d'entre eux sont traduits par le gouvernement de Vichy devant un tribunal pour Désertion en présence de l'ennemi. Renvoyé en métropole, Jean Zay est interné le 20 août à la prison militaire de Clermont-Ferrand.
Dénoncé comme Juif, franc-maçon, antimunichois, antihitlérien et ministre du Front populaire, Jean Zay subit pendant des mois une violente campagne de presse orchestrée par Philippe Henriot, ministre de l'Information du gouvernement de Vichy, réclamant la condamnation à mort du « Juif Jean Zay ».
Le 4 1940 en France#octobre, il est condamné par le tribunal militaire permanent de la 13e division militaire, siégeant à Clermont-Ferrand, à la déportation à vie et à la dégradation militaire, contre six ans de prison pour Mendès, huit ans de prison avec sursis pour Pierre Viénot et un non-lieu pour Alex Wiltzer,,,. Pour Olivier Loubes, « bouc émissaire idéal », Jean Zay a été condamné « à une peine qui vise à rappeler celle de Dreyfus ». Transféré le 4 décembre 1940 au fort Saint-Nicolas, à Marseille, pour être déporté, sa peine est finalement muée en internement en métropole, et, le 7 janvier 1941, il est incarcéré au quartier spécial de la maison d'arrêt de Riom,.
De sa prison de Riom, Jean Zay peut continuer à recevoir régulièrement sa femme et ses deux filles, dont la cadette est née après son arrestation. Il peut écrire et communiquer avec ses amis. Là, il fait le choix de rester dans la légalité et refuse une évasion que la Résistance aurait pu réaliser sans peine, étant donnée sa puissance dans la région. Il continue à travailler pendant sa captivité, préparant les réformes qu'il pense pouvoir mettre en oeuvre après la Libération.
L'assassinat
Mais le 20 juin 1944, des miliciens de Joseph Darnand viennent le chercher à la prison, sous le prétexte d'un transfert à la prison de Melun, lui laissent entendre ensuite qu'ils sont des résistants déguisés qui ont pour mission de lui faire rejoindre le maquis, et l'assassinent dans un bois, près d'une carrière abandonnée, au lieu-dit Les Malavaux, à Molles, dans l'Allier.
Les tueurs le déshabillent, lui ôtent son alliance, jettent la dépouille dans un puits et y lancent quelques grenades de manière à ce qu'il ne puisse pas pas être identifié.
Le 22 septembre 1945, son corps et ceux de deux autres personnes sont retrouvés, enfouis sous un tas de pierres, par des chasseurs de Molles et de Cusset, et enterrés sur ordre de la municipalité de Cusset dans une même fosse du cimetière communal.
Faisant le rapprochement entre le cadavre et la disparition de Jean Zay, les enquêteurs retrouvent l'identité du milicien qui a signé le registre de levée d'écrou, Charles Develle, et l'interpellent à Naples, où il s'était réfugié. Exhumés fin 1947, les restes de Jean Zay sont identifiés grâce à sa fiche dentaire et aux mensurations données par son tailleur. Jugé en février 1953, le milicien est condamné à mort par le tribunal militaire de Lyon et fusillé,.
Jean Zay est inhumé dans le grand cimetière d'Orléans depuis le 15 mai 1948.
La réhabilitation à titre posthume
Le
5 juillet 1945, la Cour d'appel de Riom réexamine les faits reprochés au sous-lieutenant Jean Zay, constate qu'à aucun moment il ne s'est soustrait à l'autorité militaire, et que « les poursuites intentées contre le sous-lieutenant Jean Zay ne peuvent s'expliquer que par le désir qu'a eu le gouvernement d'atteindre un parlementaire dont les opinions politiques lui étaient opposées et qu'il importait de discréditer en raison de la haute autorité attachée à sa personnalité ».
Elle annule donc le jugement inique du 4 octobre 1940, et Jean Zay est pleinement réhabilité à titre posthume.
Jean Zay est cité à l'Ordre de la Nation par le président du Gouvernement provisoire de la République française Félix Gouin en avril 1946, et un hommage public lui est rendu dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne le 27 juin 1947.
Jean Zay au ministère de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts
Le sens des réformes
« Pour Jean Zay, la République repose avant tout sur le civisme et l'intelligence des citoyens, c'est-à-dire sur leur éducation intellectuelle et morale. Contre la conservation sociale mais aussi contre les utopies révolutionnaires, la politique est ce mouvement par lequel l'humanité s'approfondit et devient en quelque sorte plus digne d'elle-même. » (
Antoine Prost).
Il ne serait pas pensable de tenter d’expliquer l’action de Jean Zay sans la replacer dans le contexte de l’action politique. Dès sa majorité, en effet, il estima que « l’intellectuel ne peut pas ne pas prendre parti dans la controverse qui chaque jour sur le forum dresse les citoyens les uns contre les autres ». C’est bien là, semble-t-il, le point de départ de son engagement politique.
Jean Zay était arrivé à la tête de l’Éducation nationale sans préavis, et ce n’était donc pas sur la base d’une réputation pédagogique, mais bien plutôt sur celle de ses capacités d’analyse et de pondération, et de son courage vertueux, qu’il fut placé dans cette éminente position.
Car Jean Zay était avant tout un homme politique, plutôt qu’un politicien, c’est-à-dire qu’il était de cette espèce rare d’homme à qui l’action importait beaucoup plus que le jeu des pouvoirs. Et cette action, en cette époque de toutes les dictatures (Allemagne, Italie, Espagne, et même partis antirépublicains français), était vitale aux yeux d’un homme de convictions. Arrivé au poste de ministre de l’Éducation nationale, Il avait compris que la République ne pouvait être défendue, servie, construite, que par un peuple instruit et éduqué dans ses valeurs démocratiques. Car la démocratie et la République semblait à une partie de la population une option que l’on pourrait abroger : en 1934, Le Petit Journal organisa un sondage : « Si la France avait besoin d’un dictateur, lequel choisiriez-vous ? » Pétain arriva en tête.
Bien conscient de l’importance cruciale de ces chantiers après les événements de février 1934, visionnaire, incisif, mais sans illusion, il allait employer toute son ardeur à servir cette cause.
Une des caractéristiques du système éducatif que Jean Zay déplorait le plus était celle qui occasionnait la perte, pour la République, de sujets précieux, travailleurs et doués, qui, faute d’argent, ne pouvaient accéder à des postes où ils auraient pu donner le meilleur d’eux-même. À l’inverse, des esprits médiocres et nonchalants, grâce à leur fortune, pouvaient sans difficulté accéder à la haute fonction publique, sans même disposer d’une formation adéquate. Ce fut alors l’idée de l’ENA, qui ne vit le jour qu’après la guerre. L’actualité récente montre que le but de Jean Zay a été obtenu médiocrement, car ses élèves restent en grande partie issus du milieu des notables, perpétuant une République de notables. Toutefois, l’unification de leur formation constitue un progrès. Ainsi, un journaliste anglais écrivait tout récemment : « Ils ont aussi une administration hautement qualifiée, adaptée aux défis des Temps modernes, un sens de l’Histoire et de la nation ».
Son grand projet de réforme du système éducatif (déposé en 1937, mais jamais voté du fait de la guerre), un des plus élaborés jamais conçu, partait de la même conviction que la vertu, les capacités intellectuelles, et, pour employer une expression désuète, le coeur, n’étaient pas l’apanage des classes aisées, et que la société avait tout à gagner d’accorder le maximum de chance à tous, ainsi qu’à former au mieux le plus grand nombre. Il faut aussi replacer son action, d’un point de vue plus temporel, dans l’action du gouvernement de Front populaire, qui avait pour optique d’étendre jusqu’aux classes laborieuses une vie de bien meilleure qualité, ce qui pour Jean Zay passait par la culture et l’instruction, tout autant que par les loisirs, ces fameux « Congés payés », que l’on retient davantage aujourd’hui comme emblématiques de cette période.
Les réformes effectives
Comme ministre, Jean Zay prépare un projet de réforme éducative, adopté le
2 mars 1937 en conseil des ministres, qui vise à démocratiser l'enseignement en unifiant l'enseignement primaire (avec la disparition des classes élémentaires des collèges et lycées) et en harmonisant le secondaire (général et technique/professionnel), mais aussi à améliorer la formation des enseignants. Toutefois, il ne peut aboutir. En revanche, il réorganise son ministère en fonction des trois degrés projetés et prend plusieurs mesures importantes.
Jean Zay est à l'origine de la multiplication des bourses aux élèves de primaire, de la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans (passage de 13 ans à 14 ans par la loi du 6 août 1936), des vacances ramenées au 14 au lieu du 31 juillet, de la lutte contre le surmenage scolaire, de la limitation des classes à 35 élèves (au lieu de 60 ou plus), de la généralisation des activités dirigées, des classes d'orientation, de l'introduction de l'éducation sportive obligatoire, de la création du Comité supérieur des OEuvres en faveur de la jeunesse scolaire et universitaire (ancêtre des CROUS qui ne verront le jour qu'après guerre)... Il lance un programme de construction d'écoles et de lycées, crée de nombreuses classes, des cantines et des colonies de vacances.
Jean Zay a aussi tenté de créer une École nationale d'administration, mais le projet de loi, déposé le 1er août 1936, s'est heurté à de nombreuses oppositions.
Il cherche, avec l'aide d'Irène Joliot-Curie puis de Jean Perrin, sous-secrétaires d'État en 1936 et en 1938, à développer la recherche scientifique et prépare la création, en octobre 1939, du CNRS.
Sur le plan culturel et artistique, Jean Zay crée la Réunion des théâtres lyriques nationaux et le Musée national des Arts et Traditions populaires et il encourage les Bibliobus,. Il propose également la création du Festival de Cannes, dont la première édition aurait dû se tenir en septembre 1939 si la guerre n'avait été déclarée.
Écrits
Les « Carnets secrets »
Les
Carnets secrets de Jean Zay sont des notes prises par Jean Zay pendant son ministère. Confiées par lui à l'un de ses amis, elles ont en fait été vendues à la presse. Les premiers documents paraissent dans
Je suis partout le 28 février
1941, puis dans
Gringoire. Ces « documents » sont enfin publiés sous forme de livre par les Éditions de France en 1942, accompagnés de commentaires de
Philippe Henriot. La publication était sans doute orientée, afin de confirmer les positions du
Régime de Vichy ; il s'agissait de dénoncer à des fins de propagande le « bellicisme » de Jean Zay. Toutefois, les originaux ayant disparu, toute comparaison est impossible.
Souvenirs et solitude
Jean Zay écrit pendant sa captivité
Souvenirs et solitude, qui est publié la première fois en 1945. Le livre est construit comme un journal, décrivant les évènements qu'il vit dans sa prison et commentant l'actualité telle qu'il en a connaissance. C'est aussi l'occasion d'exprimer des réflexions sur la justice ou l'emprisonnement, de rappeler des souvenirs et d'évoquer des projets pour la France de la Libération.
Autres oeuvres
- Chroniques du Grenier, l’Écarlate, 1995, 89 pages.
- La Réforme de l'enseignement (conférence à l'Union rationaliste le 29 novembre 1937, documentation rassemblée par Henri Belliot), Paris, C. Rieder, 1938, 123 p.
- La Bague sans doigt (sous le pseudonyme de Paul Duparc), Paris-Vichy, Éditions Sequana, 1942, 192 p.
Bibliographie
- Ouvrages
- Roger Karoutchi, Olivier Babeau, Jean Zay (1904-1944) : ministre de l'instruction du Front populaire, résistant, martyr, Paris, Ramsay, 2006, 293 p.
- Antoine Prost (dir.), Jean Zay et la gauche du radicalisme, Presses de Sciences Po, Paris, 2003, 250 p.
- Marcel Ruby :
- La Vie et l'oeuvre de Jean Zay (thèse de 3e cycle, 1967), Paris, Librairie Gedalge, 1969, 511 p.
- Jean Zay : député à 27 ans, ministre à 31 ans, prisonnier politique à 36 ans, assassiné à 39 ans (texte remanié de sa thèse de 3e cycle), Orléans, Éditions Corsaire, 1994, 415 p.
- Articles
- Pierre Girard, « Les projets constitutionnels de Jean Zay », in Histoire @ politique, n°1, 2007 (texte)
- Olivier Loubes :
- « Jean Zay, Vichy et la Résistance », in Revue d'histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1996, p. 151-167.
- « D'un drapeau l'autre, Jean Zay », in Vingtième siècle, revue d'histoire, n°71, juillet 2001, p. 27-51.
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
Notes et références
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